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jeudi 30 octobre 2014

« L’absent » l’édito de Yannick Barbe




L’édito de Yannick Barbe, directeur de la rédaction de TÊTU.




francois hollande



Cet édito est publié dans TÊTU 204, novembre 2014

 


François Hollande et le mariage pour tous. Depuis deux ans et demi, une drôle d’histoire. Pour endosser cette fameuse stature du Président au sujet de laquelle les observateurs politiques aiment tant gloser, François Hollande convoque souvent l’histoire avec un grand H (la guerre de 14-18, Jaurès…), mais quelle est la sienne? Quelle est sa vision? Quel récit est-il en train d’écrire? Dans les faits, il y a une loi, mais nos vies, nos familles, quelle place ont-elles dans son projet pour la France?

 

Au mitan du mandat présidentiel, nous avons demandé à des militants, élus ou sympathisants PS, pour la plupart homos, de nous livrer leurs analyses (à lire dans TÊTU de novembre). Et, sans trop de surprise, l’heure est largement à la déception et à l’amertume. On ne pourra pas éternellement réciter comme un mantra le «c’est quand même ce gouvernement socialiste qui a fait voter la loi sur le mariage pour tous», car sous le tapis de cette indéniable avancée se cachent trop de renoncements insupportables (PMA pour les couples de femmes, droits des trans…). Pire que ces reculades, il y a la manière de les mettre en scène: courage, fuyons! Quel triste spectacle que ces responsables socialistes, au lendemain de la Manif pour tous d’octobre, se réjouissant que cette dernière et la loi Taubira deviennent «un caillou dans la chaussure de la droite» (abolira? abolira pas?), comme s’ils refilaient à l’opposition cette patate chaude qui leur a tant brûlé les mains.

 

Et François Hollande dans tout ça? Lors de sa conférence de presse du 18 septembre, qui dressait un premier bilan de son action, il n’a évoqué le mariage pour tous que du bout des lèvres. Sans mise en perspective. «L’exécutif a traité la question du mariage pour tous sur le registre de l’évidence, et n’a pas su inscrire cette loi dans une vision émancipatrice globale, analyse dans nos pages le politologue Gaël Brustier. Il a fait du mariage une mesure de politique publique répondant à une revendication catégorielle, sans réussir à opposer à la Manif pour tous une vision de la société.» Une «évidence» pour François Hollande? Souvenons-nous de son édifiante et désastreuse sortie sur la «liberté de conscience» des maires, au plus fort des débats. N’y avait-il pas là comme un incroyable acte manqué, comme si Hollande parlait avant tout de sa liberté de conscience… à lui? «Mon adversaire, c’est le monde de la finance», déclarait Hollande candidat en 2012. Il semblerait que sur les questions sociétales, son pire ennemi, ce soit lui-même.



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